Suffit-il de penser au suicide pour devenir «suicidaire»? Comment la pensée suicidaire devient-elle mortelle?
Elle peut tourner en boucle pendant des heures, des semaines, voire des mois. Comme une obsession ou une simple rêverie.
Puis survient le point culminant, parfois sans transition: un épisode terrible qu’on appelle la crise suicidaire. La crise suicidaire est une tempête mentale qui dure quelques heures ou quelques minutes, où on bascule dans le geste irréversible.
L’envie de s’enfuir pour toujours
La «théorie de la fuite» présente la pensée suicidaire comme une envie de s’enfuir de soi-même. Selon cette théorie, les gens n’auraient pas d’idées suicidaires s’ils pouvaient:
- être quelqu’un d’autre
- être ailleurs
- ne plus être tourmentés
Des sentiments insupportables d’échec, de honte, d’auto-aversion, de dégoût de soi-même, souvent liés à un état dépressif, enveniment rapidement toute expérience négative et donnent envie de fuir. Dans cette perspective, la mort devient une fuite ultime.
À lire:
Prévenir le danger de la crise suicidaire
La période pendant laquelle la pensée suicidaire pose un risque élevé dure normalement entre 6 et 8 semaines. Elle culmine lors de la phase aigüe, pendant laquelle la personne en proie aux tentations suicidaires pourra passer à l’acte — faire une tentative.
Dans la crise suicidaire, un sentiment intolérable prend tellement d’espace mental que plus rien d’autre ne semble exister.
L’esprit entre alors dans un état de conscience altéré, qui déforme toute perspective: on oublie qu’on a traversé des périodes difficiles dans le passé, et on croit qu’il n’y a pas d’issue à la souffrance actuelle, ce qui est évidemment faux. On peut alors parler d’aveuglement momentané, de vision en tunnel, une sorte de folie passagère. Le cerveau joue alors à sa victime un tour macabre.
Lorsque la crise cesse, le cerveau retrouve les outils qui lui permettent de bien vivre, ce qui explique pourquoi la plupart des gens qui «ratent» leur suicide ne se suicident finalement pas. Ils ont juste survécu à cette tempête.
Suite à cette phase aigüe, l’apaisement arrive plus ou moins naturellement. Mais l’enfer qui précède cet apaisement peut se préparer d’avance. Voir à ce propos comment se protéger contre la crise suicidaire.
Notes
↑1 | Jérémie Vandevoorde, Psychopathologie du suicide, Dunod, 2013, p. 43 |
---|