Le suicide par noyade n’est pas une méthode assurée
Le suicide par noyade consiste à se mettre en situation où le corps n’arrivera plus à lutter, afin de mourir noyé, généralement à bout de forces.
La mort arrive lorsque l’eau entre dans les alvéoles des poumons, empêchant l’air d’entrer. On meurt alors par manque d’oxygène (hypoxie). L’hypothermie peut également contribuer au décès.
Ce moyen de suicide s’oppose à l’instinct de vie. D’une part, on doit lutter contre l’instinct de survie du corps humain, beaucoup plus puissant qu’on ne l’imagine. D’autre part, le désir suicidaire est généralement ambivalent, car l’envie de vivre subsiste souvent sous la détresse. Dans l’eau, face au péril, ce désir peut s’avérer plus fort que l’envie initiale de mourir.
On peut penser qu’une partie des noyades volontaires observées à travers le monde se trouvent classées par erreur dans les statistiques d’accidents. Il s’agit d’un des moyens de suicide les plus ambigus à identifier en l’absence d’indices ou de preuves externes. Sachant qu’un tiers des suicidés ne laissent pas de lettres, et que plusieurs dissimulent leur malaise et leur projet, le doute pourra rester à jamais suite à une portion des noyades.
Les femmes tentent de se noyer davantage que les hommes, vraisemblablement dans l’espoir d’une certaine «douceur» et dans le but de préserver l’intégrité du corps (même si la réalité contredit cette illusion, voir plus bas).
Le suicide par noyade aurait un taux de létalité entre 63% et 65%. En d’autres termes, on aurait plus de 35% de chances de rester vivant.
Aucune méthode de suicide n’est assurée. C’est pourquoi il vaut mieux se protéger contre les risques de la crise suicidaire, ou demander de l’aide.
Complications possibles de noyades non mortelles
Parmi les complications possibles de tentatives de noyade, la littérature scientifique mentionne principalement des séquelles neurologiques permanentes ou non, dues au manque d’oxygène. On note aussi des complications liées à l’hypothermie.
Presque toutes les tentatives de suicide amènent des complications diverses, y compris, souvent, des passages à l’hôpital. Selon le diagnostic posé à l’hôpital, un séjour plus ou moins long en psychiatrie peut alors survenir, avec soutien plus ou moins bénéfique ou médiocre. On entend des histoires de suicidaires qui sortent de l’hôpital plus désemparés qu’à leur arrivée. Souvent, la tentative de suicide se révèle une méthode peu efficace pour obtenir de l’aide professionnelle de qualité.
Si la tentative de suicide veut servir de message, celui-ci arrivera dans un contexte chaotique, il sera interprété dans une atmosphère de panique chez les proches, sans parler du risque d’être vu comme un acte de folie insensé, passagère ou non.
Se préparer à se noyer… puis survivre
Comment se noyer avec 100% de mourir? Comment le faire sans souffrir – et sans faire souffrir? Force est de constater qu’il y a toujours des risques de souffrance, de survie, de séquelles, avec la méthode de la noyade comme les autres.
J’ai vu des personnes dans le coma intubées de partout à l’hôpital. J’été témoin des effets d’un manque d’air prolongé au cerveau. J’ai vu les effets dévastateurs sur les reins ou d’autres organes internes[…] J’ai même entendu des personnes regretter terriblement leur geste, mais mourir plus tard à la suite de complications médicales liées à leur tentative.(Marc-André Dufour, Se donner le droit d’être malheureux )
Toutes méthodes confondues, pour chaque tentative de suicide menant à la mort, on compte en général de 25 à 30 tentatives et 5 hospitalisations pour blessures auto-infligées[1].
Préparer une tentative de suicide devrait donc impliquer la préparation de la survie. Que se passera-t-il après? Il est fort probable, presque certain, que l’envie de vivre reviendra aussitôt (voire pendant) la tentative.
Plus de 90% de ceux qui font une tentative ne se suicident finalement pas; la souffrance finit par passer. Peut-on penser alors à survivre… sans passer par cette tentative?
«Je n’ai pas « raté » mon suicide. J’ai réussi à survivre, puis à revivre. »
Normand , rescapé
Mourir en se noyant
L’agonie moyenne durerait 18 minutes avec une souffrance élevée (estimée à 79%, le maximum théorique de 100% représentant le summum de la douleur)[3]. L’idéal romantique d’une certaine «douceur» de la noyade en prend donc pour son rhume.
La noyade représente une mort hideuse. D’une part, l’agonie peut s’avérer très longue et douloureuse — contrairement à certaines représentations romantiques du cinéma. D’autre part, le cadavre sera d’autant plus affreux et déformé (voire défiguré ou mutilé) que la durée du séjour dans l’eau sera longue.
Le corps d’un noyé a tendance à couler, ses poumons étant remplis d’eau. Mais selon sa constitution physique et ses vêtements, il pourra flotter ou rester entre deux eaux. Il flottera assurément, ensuite, lorsque la putréfaction gonflera le cadavre de gaz.
Selon la loi, tout suicide entre dans la catégorie des «morts violentes». Il y a alors dossier et enquête de police, approfondie ou succincte. Un coroner doit aussi obligatoirement enquêter sur chaque suicide puis produire un rapport, qui sera public. Des prélèvements sur le corps sont faits, parfois une autopsie, des proches sont interrogés, ainsi que des professionnels comme le médecin traitant, le psychologue, etc.
«Le lendemain de sa mort, juste après avoir parlé au coroner, j’ai reçu un appel de l’Institut Douglas, qui fait des recherches très réputées sur le suicide. Ils voulaient en savoir davantage sur le suicide de ma soeur. J’ai répondu à un grand questionnaire, puis je les ai autorisés à faire un prélèvement de son cerveau. Je crois qu’ils ont carrément enlevé son cerveau pour en faire des lamelles. J’aurais autorisé n’importe quoi pour aider à la recherche sur le suicide afin qu’on puisse comprendre l’incompréhensible et prévenir peut-être des suicides futurs. C’est trop atroce pour ceux qui restent, pour ceux qui aimaient et aiment encore.»
Alice, soeur d’une suicidée
Conséquences sur les survivants
Puisque les noyades ont lieu généralement loin du domicile, et que le corps peut dériver longtemps, on ne sait jamais quand le noyé sera découvert, ni par qui.
Tout le monde m’avait déçue. Je leur en voulait tellement, à tous!
Et je dois avouer qu’il y avait une part de vengeance dans mon désir de suicide: «vous allez payer». Je voulais qu’ils souffrent comme moi je souffrais.
Andrée
Selon les méthodes de suicide, ce sont les proches qui retrouvent le cadavre en moyenne une fois sur deux. Le traumatisme de ces personnes n’est pas difficile à imaginer. Notons qu’entre 7 et 10 personnes sont affectées profondément pour chaque suicide.[4]. Certaines de ces personnes ne s’en remettent jamais, une portion se suicident à leur tour, beaucoup auront terriblement honte, toutes se sentiront coupables. Personne ne comprendra.
L’arrêt de la souffrance mentale est couramment cité comme la principale motivation du suicide, mais la triste réalité est que le suicide n’arrête pas la douleur mentale: le suicide ne fait que transférer la souffrance à ceux qui restent.
Kees Van Heeringen[5]
«Comment se noyer pour ne plus rien ressentir»
J’aimerais couler tout doucement, sans faire de bruit, sans faire de vague, et disparaître tout au fond. Ne plus être là, ne plus rien penser, ne plus rien ressentir.
Denise T.
Selon la «théorie de la fuite», les gens n’auraient pas envie de se suicider s’ils pouvaient:
- être quelqu’un d’autre
- être ailleurs, ou
- ne plus être tourmentés
«Quand je pense au suicide, je souhaite devenir n’importe qui, n’importe quoi sauf moi-même. »
Jesse Bering [6]
Alternatives
Plutôt que de se noyer, peut-on disparaître autrement? Ou bien soulager le mal autrement?
Existe-t-il un moyen plus sûr et sans douleur?
«Si j’étais née avec un bouton d’autodestruction […], je pense que je n’existerais plus depuis longtemps. […] Mais j’ai l’impression que je ne suis pas la seule, et je suis même sûre que si tous les humains disposaient d’un tel bouton d’autodestruction sur lequel appuyer, il n’y aurait plus grand monde ici-bas»
Témoignage cité par Cristophe André[7]
Puisque le bouton d’autodestruction instantané n’existe pas, peut-on soulager le mal autrement? Si on avait les deux options suivantes:
- Mourir sans souffrir
- Vivre sans souffrir
Quelle serait l’option à privilégier?
Se suicider sans souffrir ou vivre sans douleur?
Préparer la crise suicidaire plutôt que préparer le suicide
Qu’est-ce que la crise suicidaire? Pourquoi faudrait-il se «préparer» à l’affronter.
J’ai peur de ce qui se passe en moi. Il y a un malaise incroyable. Je sens comme une boule infiniment lourde dans mon ventre. Parfois, mon envie de disparaître semble plus forte que moi, et j’ai peur de me suicider un jour malgré moi.
Daniel
La crise suicidaire a été documentée chez les morts par suicide, tout comme chez ceux qui ont survécu. Elle attaque principalement ceux qui ruminent des idées suicidaires. On pourrait la définir comme une violente tempête mentale qui survient sans prévenir, parfois juste après un événement pénible. Pendant cette crise, on a perdu toute liberté. C’est le moment où l’idée suicidaire prend toute la place et mène à la mort en l’espace de quelques heures, parfois même en quelques minutes.
Cette crise est donc extrêmement dangereuse. Il est cependant possible se protéger contre elle.
À lire:
Comment se protéger contre la crise suicidaire?
Notes
↑1 | Agence de la santé publique du Canada, Nous soulignons |
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↑2 | Stuart Hample, Doutes & Certitudes- Woody Allen en comics, Fedjaine, 2010 |
↑3 | Nous ne diffusons pas toutes les sources pour des raisons éthiques |
↑4 | Agence de la santé publique du Canada |
↑5 | Kees Van Heeringen, The Neuroscience os Suicidal Behavior, Cambridge Fundamentals of Neuroscience in psychology, Cambridge University Press, 2018, p.1 |
↑6 | «When suicidal, I’d happily swap places with anyone, or anything, as long as it isn’t me.». Bering, Jesse. Suicidal (p. 62). University of Chicago Press. (traduction libre). |
↑7 | Christophe André, Les états d’âme, p. 201 |
3 réponses sur « Se suicider par noyade: risques et complications »
Moi je comprends ce que ressentent les gens qui ont des pensées suicidaires
Perso, je ne vois pas la noyade comme un moyen de partir en « douceur. » Je pense surtout que c’est une sorte d’image dans ma tête, comme si en me noyant dans l’eau, je me noyais dans mes larmes, en fait.
J’aimerai apaiser mes souffrances en me donnant la mort afin de reposer en paix