Catégories

Se suicider avec du poison: risques et complications

Le suicide avec du poison n’est pas une méthode assurée

Le suicide par empoisonnement (ou intoxication) comporte autant de possibilité qu’il existe des substances toxiques, de poisons. Cette méthode consiste à ingérer du poison sous forme liquide ou solide (nous excluons ici les formes gazeuses) dans le but de provoquer l’arrêt de l’une ou l’autre des fonctions vitales: coeur, respiration, reins, foie, etc. On tentera de s’empoisonner avec des médicaments ou des drogues, des produits chimiques domestiques, agricoles ou industriels, etc. Dans beaucoup de pays pauvres, le suicide par ingestion de pesticides cause des ravages bien documentés.

Les statistiques sur le suicide n’étant pas compilées pour les intoxications en général, nous n’avons pas de chiffres sur le taux de létalité globale, sauf au Maroc où on a calculé un taux de létalité de 10,6%. Ceci implique que tout près de 90% des tentatives d’intoxications suicidaires n’amènent pas la mort.

Notons qu’il existe de grandes disparités. Ainsi, les tentatives de suicide par médicaments sont mortelles dans seulement 2% des cas. D’autres substances sont évidemment plus toxiques, parfois jusqu’à 97%.

Les poisons véritablement rapides sont extrêmement rares, et les empoisonnements sans douleur existent essentiellement au cinéma.

Aucune méthode de suicide n’est assurée. C’est pourquoi il vaut mieux se protéger contre les risques de la crise suicidaire, ou demander de l’aide.

Complications possibles des empoisonnements non mortels

On note une extrême diversité dans les symptômes et souffrances que peuvent entraîner une tentative de suicide par intoxication:

  • Altération du niveau de conscience ;
  • Nausées, vomissements ;
  • Troubles digestifs, douleur abdominale ;
  • Décoloration des lèvres, brûlures buccales ;
  • Respiration difficile ou toux ;
  • Céphalées ;
  • Hallucinations ;
  • Somnolence ;
  • Éruptions cutanées ;
  • État de choc.[1]

Les traitements hospitaliers incluent l’assistance respiratoire, le charbon actif, l’hémodialyse, le lavage gastrique, les antidotes, le coma artificiel.

Les tentatives de suicide par intoxication amèneront dans de nombreux cas des séquelles à court, moyen ou long terme qui pourront être de plusieurs ordres:

  • gastro-intestinaux
  • rénaux
  • hépatiques
  • cardio-vasculaires
  • respiratoires
  • neurologiques
  • génitaux ou urinaires
  • psychiques

Presque toutes les tentatives de suicide amènent des complications diverses, y compris, souvent, des passages à l’hôpital. Selon le diagnostic posé à l’hôpital, un séjour plus ou moins long en psychiatrie peut alors survenir, avec soutien plus ou moins bénéfique ou médiocre. On entend des histoires de suicidaires qui sortent de l’hôpital plus désemparés qu’à leur arrivée. Souvent, la tentative de suicide se révèle une méthode peu efficace pour obtenir de l’aide professionnelle de qualité.

Si la tentative de suicide veut servir de message, celui-ci arrivera dans un contexte chaotique, il sera interprété dans une atmosphère de panique chez les proches, sans parler du risque d’être vu comme un acte de folie insensé, passagère ou non.

Se préparer à s’empoisonner et à survivre

Comment se suicider par empoisonnement avec 100% de mourir? Comment le faire sans souffrir – et sans faire souffrir? Force est de constater qu’il y a toujours des risques de souffrance, de survie, de séquelles, avec la méthode de l’intoxication comme les autres.

J’ai vu des personnes dans le coma intubées de partout à l’hôpital. J’été témoin des effets d’un manque d’air prolongé au cerveau. J’ai vu les effets dévastateurs sur les reins ou d’autres organes internes[…] J’ai même entendu des personnes regretter terriblement leur geste, mais mourir plus tard à la suite de complications médicales liées à leur tentative.(Marc-André Dufour, Se donner le droit d’être malheureux )

Toutes méthodes confondues, pour chaque tentative de suicide menant à la mort, on compte en général de 25 à 30 tentatives et 5 hospitalisations pour blessures auto-infligées[2].

Préparer une tentative de suicide devrait donc impliquer la préparation de la survie. Que se passera-t-il après? Il est fort probable, presque certain, que l’envie de vivre reviendra aussitôt (voire pendant) la tentative.

Plus de 90% de ceux qui font une tentative ne se suicident finalement pas; la souffrance finit par passer. Peut-on penser alors à survivre… sans passer par cette tentative?

«Je n’ai pas « raté » mon suicide. J’ai réussi à survivre, puis à revivre. »

Normand , rescapé
Stuart Hample[3]

Se suicider par empoisonnement et mourir

L’empoisonnement prendra des heures, parfois même des jours, avant d’amener la mort.

Compte tenu de la lenteur de la méthode, de nombreuses personnes pourront souffrir atrocement, chez elles ou à l’hôpital, et parfois même… changer d’idée pendant qu’elles agonisent.

Beaucoup de cadavres auront des traces de souffrance, des déjections (vomissements, défécations) et autres manifestations d’agonie moins sereines qu’au cinéma, où les personnages s’effondrent rapidement sans avoir l’air de souffrir.

Selon la loi, tout suicide entre dans la catégorie des «morts violentes». Il y a alors dossier et enquête de police, approfondie ou succincte. Un coroner doit aussi obligatoirement enquêter sur chaque suicide puis produire un rapport, qui sera public. Des prélèvements sur le corps sont faits, parfois une autopsie, des proches sont interrogés, ainsi que des professionnels comme le médecin traitant, le psychologue, etc.

«Le lendemain de sa mort, juste après avoir parlé au coroner, j’ai reçu un appel de l’Institut Douglas, qui fait des recherches très réputées sur le suicide. Ils voulaient en savoir davantage sur le suicide de ma soeur. J’ai répondu à un grand questionnaire, puis je les ai autorisés à faire un prélèvement de son cerveau. Je crois qu’ils ont carrément enlevé son cerveau pour en faire des lamelles. J’aurais autorisé n’importe quoi pour aider à la recherche sur le suicide afin qu’on puisse comprendre l’incompréhensible et prévenir peut-être des suicides futurs. C’est trop atroce pour ceux qui restent, pour ceux qui aimaient et aiment encore.»

Alice, soeur d’une suicidée

Conséquences sur les survivants

Le corps sera souvent sale, tordu, laid. Des traces de diarrhée ou de vomissements, des signes de souffrances, caractériseront l’état du suicidé par poison.

Tout le monde m’avait déçue. Je leur en voulait tellement, à tous!

Et je dois avouer qu’il y avait une part de vengeance dans mon désir de suicide: «vous allez payer». Je voulais qu’ils souffrent comme moi je souffrais.

Andrée

Selon les méthodes de suicide, ce sont les proches qui retrouvent le cadavre en moyenne une fois sur deux. Le traumatisme de ces personnes n’est pas difficile à imaginer. Notons qu’entre 7 et 10 personnes sont affectées profondément pour chaque suicide.[4]. Certaines de ces personnes ne s’en remettent jamais, une portion se suicident à leur tour, beaucoup auront terriblement honte, toutes se sentiront coupables. Personne ne comprendra.

L’arrêt de la souffrance mentale est couramment cité comme la principale motivation du suicide, mais la triste réalité est que le suicide n’arrête pas la douleur mentale: le suicide ne fait que transférer la souffrance à ceux qui restent.

Kees Van Heeringen[5]

«Comment se suicider par ingestion de poison pour ne plus rien ressentir»

Ah, si j’avais eu ma capsule de cyanure sous la main! Combien de fois ai-je voulu disparaître, instantanément. Des impulsions de suicides, j’en ai eu des centaines, des milliers! Mais elles passent aussi vite qu’elles arrivent, heureusement.

Deux fois, cependant, elles n’ont pas passé: elles ont duré des semaines, et j’ai alors pensé à ma capsule de cyanure imaginaire jour et nuit. J’ai pensé à avaler toutes les pilules de ma pharmacie, dans l’espoir de ne plus avoir mal. Je voyais un soulagement facile à ma douleur: si je n’existais plus, je ne pouvais plus avoir mal, n’est-ce pas?

Je suis médecin, alors je savais trop bien que je risquais juste de me retrouver à l’hôpital, face à des collègues désarçonnés. Je me doutais aussi, même si ça me paraissais théorique à ce moment-là, que le malaise finirait pas passer, comme une fièvre…

Frédéric, psychiatre et ancien suicidaire

Selon la «théorie de la fuite», les gens n’auraient pas envie de se suicider s’ils pouvaient:

  1. être quelqu’un d’autre
  2. être ailleurs, ou
  3. ne plus être tourmentés

«Quand je pense au suicide, je souhaite devenir n’importe qui, n’importe quoi sauf moi-même. »

Jesse Bering [6]

Alternatives

On aura compris que l’empoisonnement n’est pas une méthode de suicide recommandée.

Existe-t-il un moyen plus sûr et sans douleur?

«Si j’étais née avec un bouton d’autodestruction […], je pense que je n’existerais plus depuis longtemps. […] Mais j’ai l’impression que je ne suis pas la seule, et je suis même sûre que si tous les humains disposaient d’un tel bouton d’autodestruction sur lequel appuyer, il n’y aurait plus grand monde ici-bas»

Témoignage cité par Cristophe André[7]

Puisque le bouton d’autodestruction instantané n’existe pas, peut-on soulager le mal autrement? Si on avait les deux options suivantes:

  1. Mourir sans souffrir
  2. Vivre sans souffrir

Quelle serait l’option à privilégier?

Se suicider sans souffrir ou vivre sans douleur?

Préparer la crise suicidaire plutôt que préparer le suicide

Qu’est-ce que la crise suicidaire? Pourquoi faudrait-il se «préparer» à l’affronter.

J’ai peur de ce qui se passe en moi. Il y a un malaise incroyable. Je sens comme une boule infiniment lourde dans mon ventre. Parfois, mon envie de disparaître semble plus forte que moi, et j’ai peur de me suicider un jour malgré moi.

Daniel

La crise suicidaire a été documentée chez les morts par suicide, tout comme chez ceux qui ont survécu. Elle attaque principalement ceux qui ruminent des idées suicidaires. On pourrait la définir comme une violente tempête mentale qui survient sans prévenir, parfois juste après un événement pénible. Pendant cette crise, on a perdu toute liberté. C’est le moment où l’idée suicidaire prend toute la place et mène à la mort en l’espace de quelques heures, parfois même en quelques minutes.

Cette crise est donc extrêmement dangereuse. Il est cependant possible se protéger contre elle.

À lire:

Suis-je suicidaire?

Comment se protéger contre la crise suicidaire?


Notes

Notes
1 Passeport Santé
2 Agence de la santé publique du Canada, Nous soulignons
3 Stuart Hample, Doutes & Certitudes- Woody Allen en comics, Fedjaine, 2010
4 Agence de la santé publique du Canada
5 Kees Van Heeringen, The Neuroscience os Suicidal Behavior, Cambridge Fundamentals of Neuroscience in psychology, Cambridge University Press, 2018, p.1
6 «When suicidal, I’d happily swap places with anyone, or anything, as long as it isn’t me.». Bering, Jesse. Suicidal (p. 62). University of Chicago Press. (traduction libre).
7 Christophe André, Les états d’âme, p. 201

Laisser un commentaire

Les commentaires seront publiés après validation.