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Se suicider avec des médicaments: risques et complications

Les tentatives de suicide par ingestion de médicaments mènent rarement à la mort

Figurant parmi les méthodes populaires de passage à l’acte suicidaire, les tentatives d’empoisonnements par médicaments (prescrits ou vendus sans ordonnance) sont excessivement nombreuses. Il s’agit dans tous les cas d’ingestions de grandes quantités de comprimés, parfois de médicaments mélangés, souvent accompagné d’alcool. Le taux de mortalité de cette méthode reste très bas, soit moins de 2%, et les séquelles peuvent s’avérer aussi sérieuses que dommageables à long terme.

Les MO [médicaments sous ordonnance] les plus souvent recensés sont les opioïdes (51 %), les psychotropes (principalement des antidépresseurs) (25 %), les anxiolytiques (9 %) et les psychostimulants (4 %). Quant aux MSO [médicaments sans ordonnance], ce sont principalement l’acétaminophène dans plus de la moitié (54 %) des cas, les salicylés et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (24 %) et les antihistaminiques (21 %). 91 % des tentatives se font avec des médicaments sous ordonnance.

Institut National de Santé Publique[1]

Notons qu’au fil des décennies, certains classes de médicaments, par exemple les somnifères, ont perdu une grande part de leur toxicité.

On n’a pas de tableau de statistiques par médicaments, mais tout porte à croire que les écarts entre le taux de létalité des différents médicaments n’est pas colossal. Dans l’ensemble, on parlerait de 40 tentatives de suicide par décès. En d’autres termes, la prise de médicaments pour mourir a 40 fois plus de chance de laisser la personne en vie que morte.

Aucune méthode de suicide n’est assurée. C’est pourquoi il vaut mieux se protéger contre les risques de la crise suicidaire, ou demander de l’aide.

Complications possibles de tentatives de suicides avec des médicaments

Compte tenu de la diversité des médicaments, prescrits ou non, légaux ou non, pouvant être utilisés dans les tentatives suicidaires, la palette des séquelles possibles est extrêmement large, allant des problèmes permanents de rein ou de foie (hépatite) aux troubles neurologiques, en passant par le coma. Ajoutons les troubles neurologiques, sexuels, respiratoires, gastro-intestinaux, urinaires, etc.

L’empoisonnement aux médicaments sera de toute façon nocif, long, et souvent douloureux. Dans tous les cas, un passage à l’hôpital, avec souvent un lavage d’estomac, parfois transfusion sanguine, durera de 1 à 4 jours.

Presque toutes les tentatives de suicide amènent des complications diverses, y compris, souvent, des passages à l’hôpital. Selon le diagnostic posé à l’hôpital, un séjour plus ou moins long en psychiatrie peut alors survenir, avec soutien plus ou moins bénéfique ou médiocre. On entend des histoires de suicidaires qui sortent de l’hôpital plus désemparés qu’à leur arrivée. Souvent, la tentative de suicide se révèle une méthode peu efficace pour obtenir de l’aide professionnelle de qualité.

Si la tentative de suicide veut servir de message, celui-ci arrivera dans un contexte chaotique, il sera interprété dans une atmosphère de panique chez les proches, sans parler du risque d’être vu comme un acte de folie insensé, passagère ou non.

Se préparer à avaler des médicaments… et à survivre

Comment tenter de se suicider par médicaments avec 100% de chances de mourir? Comment le faire sans souffrir — et sans faire souffrir? Force est de constater qu’il y a toujours de grands risques de souffrance, de survie, de séquelles, avec la méthode des médicaments comme les autres.

J’ai vu des personnes dans le coma intubées de partout à l’hôpital. J’été témoin des effets d’un manque d’air prolongé au cerveau. J’ai vu les effets dévastateurs sur les reins ou d’autres organes internes[…] J’ai même entendu des personnes regretter terriblement leur geste, mais mourir plus tard à la suite de complications médicales liées à leur tentative.(Marc-André Dufour, Se donner le droit d’être malheureux )

Toutes méthodes confondues, pour chaque tentative de suicide menant à la mort, on compte en général de 25 à 30 tentatives et 5 hospitalisations pour blessures auto-infligées[2].

Préparer une tentative de suicide devrait donc impliquer la préparation de la survie. Que se passera-t-il après? Il est fort probable, presque certain, que l’envie de vivre reviendra aussitôt (voire pendant) la tentative.

Plus de 90% de ceux qui font une tentative ne se suicident finalement pas; la souffrance finit par passer. Peut-on penser alors à survivre… sans passer par cette tentative?

«Je n’ai pas « raté » mon suicide. J’ai réussi à survivre, puis à revivre. »

Normand , rescapé
Stuart Hample[3]

Je voulais mourir, mais pas de façon violente, et je ne voulais minimiser le choc pour mes proches. Me retrouver pendue aurait été, à mon avis à ce moment-là, un plus grand traumatisme pour eux. En plus, les pilules offraient l’avantage de m’endormir et de ne pas réaliser physiquement que je mourais.

Je suis passée à l’acte. Je suis allée m’acheter plusieurs boites de comprimés dans différentes pharmacies (pour ne pas éveiller de soupçons). Je les ai consommé et j’ai commencé me sentir faible. Finalement c’est un mélange d’instinct de survie et de peur de faire trop de peine à mes proches qui m’a sauvé la vie je pense. J’ai moi-même appelé le 911 avant de perdre conscience.

Je n’en ai pas parlé rapidement, ça a pris des années avant que j’aborde le sujet. C’était surtout pour verbaliser l’énorme avancée que j’avais faite, le fait que je n’étais plus suicidaire. J’ai de la peine pour la jeune femme en détresse que j’étais, mais je n’ai pas honte. Je comprends surtout que je souffrais énormément. Je ne juge absolument pas les personnes suicidaires, et je suis vraiment sensible aux causes liées à la santé mentale. Je pense qu’avoir vécu ça me rend plus empathique envers les personnes qui souffrent, peu importe leurs raisons et leur milieu. Je déteste qu’on ridiculise la souffrance des gens qui ont supposément tout pour eux (je pense à Meghan Markle, qui s’est fait détruire par des chroniqueurs et sur les réseaux sociaux parce que ça se peut pas, une femme privilégiée de même, qui vit de la détresse, supposément).

Caroline, enseignante

Mourir de suicide par médicaments

L’agonie peut prendre entre 2 et 7.5 heures, et se révéler très douloureuse. On parle par exemple de fortes douleurs gastriques, de vomissements, de convulsions, de diarrhée.

Le corps pourra être tordu, grimaçant, avoir les yeux ouverts, et s’être vidé les intestins et la vessie pendant l’agonie. Le don d’organe est compliqué dans de tels cas car il faut connaître absolument le type d’empoisonnement afin de déterminer quels organes peuvent être ruinés.

Selon la loi, tout suicide entre dans la catégorie des «morts violentes». Il y a alors dossier et enquête de police, approfondie ou succincte. Un coroner doit aussi obligatoirement enquêter sur chaque suicide puis produire un rapport, qui sera public. Des prélèvements sur le corps sont faits, parfois une autopsie, des proches sont interrogés, ainsi que des professionnels comme le médecin traitant, le psychologue, etc.

«Le lendemain de sa mort, juste après avoir parlé au coroner, j’ai reçu un appel de l’Institut Douglas, qui fait des recherches très réputées sur le suicide. Ils voulaient en savoir davantage sur le suicide de ma soeur. J’ai répondu à un grand questionnaire, puis je les ai autorisés à faire un prélèvement de son cerveau. Je crois qu’ils ont carrément enlevé son cerveau pour en faire des lamelles. J’aurais autorisé n’importe quoi pour aider à la recherche sur le suicide afin qu’on puisse comprendre l’incompréhensible et prévenir peut-être des suicides futurs. C’est trop atroce pour ceux qui restent, pour ceux qui aimaient et aiment encore.»

Alice, soeur d’une suicidée

Conséquences sur les survivants

La majorité des suicides par empoisonnement aux médicaments ont lieu au domicile. Par conséquent, la découverte se fera la plupart du temps par un proche.

Tout le monde m’avait déçue. Je leur en voulait tellement, à tous!

Et je dois avouer qu’il y avait une part de vengeance dans mon désir de suicide: «vous allez payer». Je voulais qu’ils souffrent comme moi je souffrais.

Andrée

Selon les méthodes de suicide, ce sont les proches qui retrouvent le cadavre en moyenne une fois sur deux. Le traumatisme de ces personnes n’est pas difficile à imaginer. Notons qu’entre 7 et 10 personnes sont affectées profondément pour chaque suicide.[4]. Certaines de ces personnes ne s’en remettent jamais, une portion se suicident à leur tour, beaucoup auront terriblement honte, toutes se sentiront coupables. Personne ne comprendra.

L’arrêt de la souffrance mentale est couramment cité comme la principale motivation du suicide, mais la triste réalité est que le suicide n’arrête pas la douleur mentale: le suicide ne fait que transférer la souffrance à ceux qui restent.

Kees Van Heeringen[5]

«Le médicament parfait pour ne plus rien ressentir»

J’avais mal, mal en moi, au plus profond. C’est très difficile à expliquer, surtout à des gens qui n’ont jamais vécu quelque chose de semblable. Chaque seconde dure une semaine, et c’est insupportable. Sur le coup, ça paraît plus souffrant que n’importe quelle douleur physique. Lorsqu’on a mal à la tête, on prend une pilule. De la même façon, je cherchais le médicament parfait pour ne plus rien ressentir. Je voulais prendre une pilule, dix pilules, pour arrêter le mal. Un somnifère pour ne plus être réveillé, jamais plus.

Josée, ancienne suicidaire

Selon la «théorie de la fuite», les gens n’auraient pas envie de se suicider s’ils pouvaient:

  1. être quelqu’un d’autre
  2. être ailleurs, ou
  3. ne plus être tourmentés

«Quand je pense au suicide, je souhaite devenir n’importe qui, n’importe quoi sauf moi-même. »

Jesse Bering [6]

Alternatives

Puisque le suicide par médicament apparaît hasardeux, avec peu de chance d’être indolore, et d’amener à la mort, ni même à une sorte de soulagement, quelles seraient les méthodes de suicides alternatives?

Existe-t-il un moyen plus sûr et sans douleur?

«Si j’étais née avec un bouton d’autodestruction […], je pense que je n’existerais plus depuis longtemps. […] Mais j’ai l’impression que je ne suis pas la seule, et je suis même sûre que si tous les humains disposaient d’un tel bouton d’autodestruction sur lequel appuyer, il n’y aurait plus grand monde ici-bas»

Témoignage cité par Cristophe André[7]

Puisque le bouton d’autodestruction instantané n’existe pas, peut-on soulager le mal autrement? Si on avait les deux options suivantes:

  1. Mourir sans souffrir
  2. Vivre sans souffrir

Quelle serait l’option à privilégier?

Se suicider sans souffrir ou vivre sans douleur?

Préparer la crise suicidaire plutôt que préparer le suicide

Qu’est-ce que la crise suicidaire? Pourquoi faudrait-il se «préparer» à l’affronter.

J’ai peur de ce qui se passe en moi. Il y a un malaise incroyable. Je sens comme une boule infiniment lourde dans mon ventre. Parfois, mon envie de disparaître semble plus forte que moi, et j’ai peur de me suicider un jour malgré moi.

Daniel

La crise suicidaire a été documentée chez les morts par suicide, tout comme chez ceux qui ont survécu. Elle attaque principalement ceux qui ruminent des idées suicidaires. On pourrait la définir comme une violente tempête mentale qui survient sans prévenir, parfois juste après un événement pénible. Pendant cette crise, on a perdu toute liberté. C’est le moment où l’idée suicidaire prend toute la place et mène à la mort en l’espace de quelques heures, parfois même en quelques minutes.

Cette crise est donc extrêmement dangereuse. Il est cependant possible se protéger contre elle.

À lire:

Suis-je suicidaire?

Comment se protéger contre la crise suicidaire?


Notes[+]

Notes
1 https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2117_intoxications_volontaires_medicaments.pdf">Prévention des intoxications volontaires par médicaments accessibles sans ordonnance, Institut National de Santé Publique
2 Agence de la santé publique du Canada, Nous soulignons
3 Stuart Hample, Doutes & Certitudes- Woody Allen en comics, Fedjaine, 2010
4 Agence de la santé publique du Canada
5 Kees Van Heeringen, The Neuroscience os Suicidal Behavior, Cambridge Fundamentals of Neuroscience in psychology, Cambridge University Press, 2018, p.1
6 «When suicidal, I’d happily swap places with anyone, or anything, as long as it isn’t me.». Bering, Jesse. Suicidal (p. 62). University of Chicago Press. (traduction libre).
7 Christophe André, Les états d’âme, p. 201