Qu’est-ce que la crise suicidaire?
On désigne comme crise suicidaire ou crise aiguë la période pendant laquelle l’idée suicidaire obsède son hôte à la manière d’une attaque mentale. La période de crise aiguë dure généralement de quelques minutes à quelques heures, et le risque mortel atteint alors son apogée.[1]
Les stratégies suivantes aideront à se préparer à une crise suicidaire aiguë, à se défendre alors contre les pièges sinistres du cerveau anormalement altéré.
On a identifié l’impulsivité comme facteur extrêmement risqué dans les histoires de suicide. Les comportements menant à l’issue fatale se produisent pour la plupart moins de 6 heures avant le suicide et même, selon certaines études, 5 minutes seulement avant celui-ci pour 25% à 40% des cas![2][3].
En d’autres termes, toute personne ayant des idées suicidaires qui rôdent dans sa tête peut être victime sans préavis, n’importe quand, suite à une simple querelle par exemple, d’une telle crise mortelle.
Sachant ceci, toute personne ayant des idées suicidaires aura avantage à se préparer à affronter la crise aiguë de façon à mieux la traverser.
Préparer la crise aiguë.
«La crise suicidaire est un état de trouble psychique aigu, caractérisé par la présence d’idées noires et d’une envie de suicide de plus en plus marquées et envahissantes. La personne confrontée à ce moment de grande souffrance ne trouve pas en elle les ressources suffisantes pour le surmonter. Elle se sent dans une impasse et confrontée à une telle souffrance que la mort apparaît progressivement comme le seul moyen de trouver une issue à cet état de crise.»[4]
Les recherches ont identifié principalement trois méthodes éprouvées contre la tentation suicidaire en période de crise:
- en parler
- éloigner ou retirer tout moyen de suicide
- se préparer à traverser la tempête.
On peut d’avance mettre en place une partie de ces méthodes, par exemple en écartant les plus tôt possible les sources matérielles de danger.
Avant que n’arrive la crise, il vaut mieux préparer les autres défenses, par exemple en rédigeant un plan de survie et en commençant dès maintenant à parler de son malaise (et même de ses idées suicidaires, les idées ne tuent pas) à des personnes de confiance.
1. En parler
Pour beaucoup de gens, parler est sans contredit la meilleure façon de lutter contre les envies suicidaires. Cette décision peut être difficile, parfois presque impensable. Cependant, comme pour le fumeur qui décide d’arrêter la cigarette, la pénible décision de passer à l’action représente déjà 50% de l’effort.
«Je n’ai pas envie d’en parler, je ne veux pas être jugé»
Avec le sentiment d’isolement, le désir de «faire semblant», de cacher ou de taire le malaise est si puissant que 78% des suicidés nient être suicidaires, y compris dans leur ultime communication verbale[5]. Rien d’anormal, ici, car une sorte de tabou pèse sur les idées suicidaires, comme sur la dépression. De plus, l’envie suicidaire se combine souvent à une sentiment de honte ou de colère qui amène l’isolement, la négation, la peur de parler. Ce repli est un des plus grands pièges du cerveau en proie au mécanisme suicidaire.
Le psychologue Jesse Bering, ayant écrit un livre suite à ses propres tentations suicidaires, affirme que le suicidaire a parfois si honte de lui-même que la simple idée d’en parler devient plus terrifiante que la mort; il voit alors le suicide «comme une alternative moins douloureuse à cette difficile conversation»[6].
Il faut se battre contre l’envie de se couper des autres, car elle nous enfonce davantage et empire le cercle vicieux. J’ai ramassé mon courage pour parler à ma soeur, et j’ai découvert qu’elle avait vécu une période similaire. Ça a été décisif pour moi. À partir de ce moment, je me suis senti plus libre.
Roger, ancien suicidaire
Concernant la peur du jugement, Jesse Bering dit avec humour que les autres ne nous jugent pas autant qu’on se l’imagine … pour la simple raison qu’ils s’inquiètent trop de ce qu’on pense d’eux![7]. Règle générale, lorsqu’on se confie à eux, les gens sont empathiques, compréhensifs, compatissants, et partagent à leur tour ce qu’ils vivent.
Le dialogue pourra soulager énormément. De nombreuses personnes concernées rapportent qu’après avoir parlé de leurs idées noires, le sentiment de souffrance s’était atténué, les idées suicidaires étaient beaucoup moins violentes et fréquentes, la qualité de leur sommeil s’était améliorée […] l’écoute réconforte et permet de mettre de l’ordre dans ses idées.[8]
2. Retirer tout danger de son environnement
La prévention du suicide la plus efficace consiste tout simplement à restreindre l’accès aux moyens d’y parvenir. Le passage est l’acte est généralement impulsif et le seul fait d’éloigner le danger, de le rendre plus difficile d’accès, donne alors aux personnes en péril le temps de quitter l’état d’impulsion extrême.
« Si le moyen n’est pas accessible, c’est suffisant pour que la personne change d’avis, rebrousse chemin et demande de l’aide. La personne peut changer d’idée à la toute dernière minute, même à la toute dernière seconde. »
Jérôme Gaudreault, directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide[9]
Ce qui fonctionne sur le plan collectif est également efficace comme stratégie personnelle. C’est pourquoi la personne qui est en proie à des idées suicidaires, mêmes si ces pensées ne semblent pas dangereuses aux premiers abords, aura tout intérêt à appliquer pour elle-même cette méthode de protection.
Enlever tout ce qui pourrait vous faire du mal. Si l’endroit où vous êtes peut devenir dangereux, allez ailleurs, pour quelques heures ou quelques jours.
Daniel, intervenant psychosocial
3. Se préparer à traverser une tempête
La crise suicidaire ne dure qu’un moment, comme les orages
La crise suicidaire s’avère atroce dans beaucoup de cas. Le malaise devient la seule chose qui existe au monde.
Qui n’a pas traversé une douleur abominable? Et qui n’y a pas survécu au moins une fois? Même si sur le coup, on a l’impression que l’avenir n’existe plus.
Le temps qui s’étire… pendant quelques heures
La crise suicidaire aiguë amène l’impression que le temps s’éternise, avance au ralenti, ce qui exacerbe la souffrance — et l’envie d’en sortir. Comme si elle n’allait jamais se terminer.
Et pourtant…
« lorsqu’on arrive à survivre à l’atrocité de la tempête, il n’est pas rare que le calme soit revenu dès le lendemain.»[10]
Jesse Bering
D’où l’importance de s’accrocher au moins le temps d’une journée, aussi insupportable soit-elle, comme on se tient à un poteau pendant un ouragan. Puisque la crise aigüe dure souvent quelques heures, une seule journée d’attente permettra généralement de se rendre à l’accalmie.
«Je me suis promis d’attendre au moins 24 heures, de traverser malgré tout cette journée de merde. Ensuite, j’aurais toute la vie pour mourir.
Xavier, ancien suicidaire
Quoi faire dès aujourd’hui?
On aura compris que se préparer à affronter la crise suicidaire augmentera considérablement les chances de bien la traverser.
Parmi les outils pour y parvenir, le plan de survie est un petit guide à terminer soi-même pour clarifier ce qu’on fera si on bascule dans une crise suicidaire. On en trouve un à la page Préparer un plan de survie.
Notes
↑1 | On peut aussi désigner comme crise suicidaire toute la période pendant laquelle des idées suicidaires tournent dans la tête de quelqu’un. Cette période s’étend généralement de quelques jours à deux mois. |
---|---|
↑2 | Describing and Measuring the Pathway to Suicide Attempts: A Preliminary Study, Alexander J. Millner et al. |
↑3 | Harvard College, Duration of Suicidal Crises |
↑4 | https://www.ameli.fr/assure/sante/urgence/pathologies/crise-suicidaire-tentative-suicide |
↑5 | Busch KA, Fawcett J, Jacobs DG. Clinical correlates of inpatient suicide. Journal of ClinicalPsychiatry. 2003; 64:14–19 |
↑6 | Jesse Bering, Suicidal, p.99, University of Chicago Press. Édition Kindle |
↑7 | Jesse Bering, Suicidal, p.98, University of Chicago Press. Édition Kindle |
↑8 | https://www.parler-peut-sauver.ch/je-traverse-une-crise/comment-maider-moi-meme/conseils-pour-en-parler |
↑9 | Le Devoir, La délicate conception des barrières contre le suicide du pont Samuel-De Champlain |
↑10 | Jesse Bering, Souhaiter mourir ne relève pas nécessairement de la maladie mentale |
Une réponse sur « Comment se protéger contre la crise suicidaire »
Merci bcp, je viens de lire ce commentaire. Je pense qu’il va (peut etre ) m’aider à tenir. Je le souhaite de tout coeur !!!